Le mythe de Minerve (ou Athéné ou Minerva ou Minerfa)


Les différentes Minerves

Rien de plus confus que les mythes relatifs à la naissance de cette déesse, amalgamés et confondus qu'il nous sont parvenus par le syncrétisme des divers âges. Cicéron reconnaît cinq Minerves différentes. Deux de celles qui figurent dans cette division sont évidemment étrangères à la mythologie grecque primitive: l'une est la Minerve égyptienne, fille du Nil et adorée à Saïs par les Égyptiens. L'autre est une divinité nationale arcadienne du nom de Coria, inventrice du quadrige, et fille de Jupiter et de la nymphe Coryphé. Ce dernier nom, qui veut dire la fête, indique une fusion, postérieure aux temps primitifs, de la déesse arcadienne avec l'Athéné homérique. On voit par là quel travail d'épuration serait nécessaire pour obtenir les conceptions mythologiques dans leur pureté primitive, et nul doute qu'il ne jaillit de la comparaison de ces créations diverses, formées sans doute spontanément sous l'influence d'idées qui dominent nécessairement de même l'esprit humain aux mêmes époques, de vives lumières pour éclairer l'histoire générale des symboliques anciennes.
Mais les documents manquent pour entreprendre un pareil travail. Essayons cependant de classer les traditions relatives à la naissance de Minerve, sans nous embarrasser du syncrétisme ou des divisions ordinaires des mythologues. On peut les réduire à cinq mythes principaux:

  • La Minerve homérique, la fille de Jupiter. Homère ne nomme pas sa mère. Dans les traditions postérieures à ce poète, elle naît de la tête du maître des dieux, auquel Vulcain, d'autres disent Mercure ou Palamaon fendit le crâne d'un coup de hache. Suivant une tradition crétoise, son père la fit naître d'un nuage. Apollodore prétend que Jupiter fut assisté par Prométhée, et que Minerve naquit sur les bords du fleuve Triton. Quelques mythographes ajoutent qu'elle sortit de la tête de son père tout armée et poussant des cris de guerre.

  • La fille du géant ailé Pallas, qui, ayant voulu faire violence à sa fille, fut tué par elle. La déesse se servit de sa peau comme d'égide et attacha ses ailes à ses propres pieds.

  • La Minerve Libyenne, fille de Neptune et de Tritonis. Suivant Hérodote, elle était adorée, avec les mêmes attributs que l'Athéné des Grecs, par les Machlyens et les Ausiens, qui habitaient les bords du lac Tritonis. Irritée contre son père, elle se réfugia auprès de Jupiter, qui l'adopta pour fille. Triton, le dieu-fleuve, l'avait élevée avec sa fille. Ce fut en Libye qu'elle inventa la flûte, en imitant sur un roseau les gémissements de Sthéno et d'Euryale. Il est probable que le culte de cette Minerve Tritonide fut transplanté de Grèce en Libye par les Minyens, qui se réfugièrent dans ce pays. Plus tard on l'y regarda comme indigène, et les Grecs y virent l'une des sources d'une des conceptions les plus fondamentales de leur religion. Le nom de Tritonide, donné à cette déesse, ne prouve rien quant à la provenance de son culte, car on trouvait, dans le monde antique, beaucoup de fleuves et de sources appelés ainsi. Il y en avait un en Crète près de Cnosse, en Thessalie, en Arcadie près d'Aliphères ; le Nil même était appelé Triton par les Grecs. Le plus ancien siège du culte de Minerve était à l'embouchure du fleuve Triton, qui se jette dans le lac Copaïs en Béotie. C'était là qu'était située Athènes, ville des anciens Pélasges, submergée plus tard par un débordement du lac. De là, ce culte se répandit en Attique et plus tard, par le canal des Minyens, en Lydie.

  • La fille d'Itonius. Elle est aussi la sœur d'Iodama, qui fut tuée par elle, ou pétrifiée par la tête de la Gorgone, une nuit qu'elle était entrée dans le temple de sa sœur. C'est là la Minerve Itonia, dont on fait aussi dériver le nom de la ville d'Itone en Thessalie.

  • La fille de Vulcain.

La déesse des inventions

En sa qualité de fille de Jupiter et de Métis, Minerve était regardée comme réunissant en elle les attributs de ces deux divinités, la puissance et la sagesse. Elle présidait au salut des empires et à la conservation de l'ordre social. L'agriculture, les arts, l'industrie, les inventions diverses étaient sous sa protection. Les peuples la regardaient encore comme veillant à la défense des villes, des citadelles, des ports. Comme divinité tutélaire des arts agricoles, on lui attribuait l'invention de la charrue et du rateau. C'était elle qui avait fait présent de l'olivier aux habitants de l'Attique, et leur avait enseigné à employer les bœufs pour le labour, à dompter les chevaux. De là ses surnoms de Boudéia et de Boarmia (qui accouple les taureaux sous le joug), d'Agripha (inventrice du râteau), d'Hippia ou Chalinitis (équestre).
On lui attribuait aussi l'invention des nombres, du char, de la navigation, et, en général, de toutes les découvertes dues, non pas au hasard, mais à une profonde méditation de l'esprit. Elle apprit aux mortels l'usage du feu, source de tous les arts et principe de la vie civilisée. Voilà pourquoi elle est toujours en rapport avec Vulcain et préside, ainsi que lui, à toute la science humaine. C'est encore pour cette raison qu'Ovide la nomme mille dea operum. Dans les temps postérieurs on agrandit de plus en plus son domaine, et Minerve Ergana fut regardée comme la source de toute sagesse, de toute science. Il n'y eut pas une des conceptions de l'esprit qui ne se rapportât à cette déesse.


La déesse de la justice et de la guerre

En sa qualité de divinité tutélaire des États, elle était regardée comme la protectrice suprême des Phratries et des familles qui formaient le noyau primitif des nations. Aussi les jeunes filles athéniennes, qui changeaient de Phratrie en se mariant, lui consacraient-elles leur ceinture, et, à la fête des Apaturies, les citoyens faisaient inscrire leurs enfants dans les Phratries. De là les noms de Minerve Apaturie ou Phratrie.
Minerve avait sous sa présidence l'exercice de la justice, ceux qui la rendaient, les lieux ou elle s'exerçait et en général la juridiction criminelle. Institutrice de l'Aréopage, elle était censée donner sa voix en faveur de l'accusé, si les suffrages étaient partagés. C'est pourquoi on voit Oreste lui élever un autel, après son acquittement. A cette face du caractère de Minerve se rapportent les surnoms de Agorœa, de Boulœa, d'Axiopoinos (rémunératrice).
Veillant la sûreté des États, Minerve était une déesse guerrière, mais divinité présidant surtout la la guerre défensive, et bien distincte de Mars, d'Ényo, d'Éris, qui se plaisent dans carnage brutal. Essentiellement sage, et douée d'une haute raison, Minerve ne décrète la guerre, conjointement avec Jupiter, qu'après mûre délibération. Elle ne possède pas d'armes en propre, et emprunte celles de son père, pour mettre un frein à la fureur de Mars. On l'invoquait principalement dans les entreprises qui demandent de la sagesse et de la prudence, et comme déesse protectrice des villes, des châteaux-forts, etc.
On lui attribuait l'invention de la flûte et de la trompette, qui servaient, chez les anciens, à régler la marche et les diverses évolutions des armées. Les Spartiates, lorsqu'ils partaient pour quelque expédition, franchissaient les frontières de leur pays au son du premier de ces instruments.
La tradition qui donne à l'invention de la flûte une origine guerrière n'avait, du reste, pas cours dans toute la Grèce. Pindare et Hygin rapportent des mythes tout différents. A ces fonctions guerrières de Minerve se rattache la protection qu'elle accorde aux héros qui, ainsi qu'Hercule, Achille, Ulysse, unissent la prudence à la valeur. Amie des Grecs, elle les protégea lors de leur expédition contre Troie et ne se déchaîna contre eux qu'après l'outrage fait à Cassandre. Lors de l'assaut des géants contre le ciel, elle combattit aux côtés de son père, et ensevelit Encelade sous le poids de la Sicile. Dans l'Odyssée, on la voit revêtue d'armes brillantes, et tenant une baguette d'or avec laquelle elle métamorphose ses favoris, suivant les desseins qu'ils ont formés.
Par ailleurs, en sa qualité de divinité protectrice d'Athènes, Minerve y était encore adorée comme déesse de la guérison et le serpent lui était consacré.


La déesse vierge

Divinité d'un esprit austère et mâle, haute raison personnifiée, l'Athéné était aux yeux des Grecs la Vierge par excellence qui fuit la couche nuptiale, et dont le cœur est inaccessible aux passions. C'est vêtue qu'elle se présente à Pâris, pour réclamer le titre de la plus belle des déesses, selon Callimaque. Les poètes postérieurs ont altéré cette circonstance, qui révèle un des traits importants du caractère de la déesse, tel qu'il était conçu par les anciens. Tirésias fut privé de la vue, parce qu'il avait surpris Minerve au bain, et Vulcain essaya en vain de lui faire violence. Dans les processions on promenait solennellement son image entourée d'un voile. Ses statues, d'ailleurs, ne la représentent jamais nue.
Quelques mythes donnent cependant des enfants à Minerve. Ainsi, Apollon était, dit-on, fils de cette déesse et de Vulcain. Cette fable a sans doute pris naissance lors de l'introduction du culte d'Apollon en Attique par les Ioniens. Elle fut imaginée pour mettre la nouvelle divinité en rapport avec l'ancienne. On trouve aussi un Lychnus, fils de Vulcain et de Minerve. Enfin, d'après Tzetzès, Minerve, appelée aussi Bélonice, n'était autre qu'une reine puissante, fille de Brontéos, qui épousa Vulcain, dont elle eut Érichthonius.


Le culte de Minerve

Ainsi que nous l'avons déjà dit, le culte de Minerve, originaire des environs du lac Copaïs, en Béotie, se répandit de là dans l'Attique et dans toute la Grèce. Il était établi très anciennement à Lindus dans l'île de Rhodes, ainsi qu'en Italie. Les Étrusques adoraient cette déesse sous le nom de Menrfa, et la comptaient au nombre des divinités qui lancent la foudre. Aussi la voit-on sur des médailles, à une époque aussi tardive que celle de Sévère, attendre que Vulcain lui ait forgé la foudre. Dans Eschyle, Athéné dit qu'elle seule, entre tous les dieux, sait où l'on renferme la foudre.
Ce n'est pas là la seule analogie des deux déesses italique et hellénique. Les Étrusques attribuaient aussi à leur Menrfa l'invention de la flûte et de la trompette, car les Romains, qui reçurent d'eux ces instruments, célébraient après les Quinquatries, la cérémonie de la purification des trompettes, et les joueurs de flûte célébraient au mois de juin les petites Quinquatries en l'honneur de Minerve. Le culte de cette déesse fut transporté de Faléries à Rome, sans se mêler à celui d'aucune divinité latine.
La chouette, le serpent, le coq, l'olivier, la corneille lui étaient consacrés. On lui sacrifiait des béliers, des taureaux et des vaches. A Troie, dit Suidas, on lui immolait deux jeunes garçons ou deux jeunes filles de Locres, en expiation de l'outrage fait à Cassandre par Ajax. Cependant celle des victimes qui pouvait se glisser dans le temple de Minerve sans être aperçue des ministres du culte, échappait à la mort. On la vouait au service du temple.
Enfin, parmi les fêtes célébrées en l'honneur de Minerve, figurent les Panathénées et les Errhéphories à Athènes, les Quinquatries à Rome, etc.


Les représentations de Minerve

C'est à Phidias que l'on doit la réalisation complète de l'idéal de Minerve, tel que le concevaient les anciens. Cet habile artiste exécuta, par ordre de Périclès, une statue colossale de cette divinité, en or et en ivoire, qui fut placée dans l'Acropolis. Elle avait vingt-six coudées de hauteur. La déesse était représentée debout, tenant à la main la statue de la Victoire, et son bouclier à ses pieds. Les autres statues de Minerve qui ont joui d'une grande célébrité sont la Minerve de bronze, élevée après la bataille de Marathon, et la Minerve Lemnienne, consacrée à Athènes par les habitants de Lemnos.
Les attributs principaux de cette déesse sont:

  • Le casque: Minerve le porte toujours sur la tête. Ce n'est que sur un bas-relief de vieux style qu'on la voit représentée le tenant à la main. Il est tantôt muni d'une visière mobile, tantôt garni seulement d'un écusson. Les artistes grecs ont adopté indifféremment l'une ou l'autre manière, tandis que les Romains ont toujours reproduit le casque clypéiforme. Ce casque est orné de figures de griffons, de têtes de bélier, de chevaux. Sur le sommet sont des chevaux ailés et au milieu le sphinx avec triple crinière.
  • L'égide.
  • Le bouclier rond des Argiens, au milieu duquel figure la tête de Méduse.

Outre ces attributs, on en trouve encore, les sur anciens monuments et sur des médailles, un assez grand nombre d'autres, tels que l'olivier, le serpent, la chouette, le coq, la lance.
Minerve porte toujours la tunique spartiate sans manches et sans couture aux côtés, et par-dessus le péplus, ou, rarement, la chlamyde. On la représente ordinairement dans une attitude contemplative, les yeux légèrement baissés. Sa figure est ovale. Sa chevelure, épaisse, est relevée sur les tempes et retombe sur le cou et le dos. Tout son extérieur porte un caractère mâle. Elle a les hanches étroites, les épaules larges, et la poitrine voûtée.

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