Le mythe de Oracle


Les révélations des dieux faites aux hommes

On nommait oracles, chez les anciens, les révélations faites par les dieux aux hommes, et les lieux consacrés par la religion pour les consultations de ce genre. Non-seulement les puissances supérieures, mais les héros les plus célèbres, et quelques personnages illustres, avaient pendant leur vie, et même après leur mort, le privilège de révéler l'avenir suivant divers modes. Ces manifestations se faisaient par la voix des prophètes et des sibylles attachés au culte des dieux, soit que les peuples affligés de quelque fléau implorassent la science de leurs augures pour s'en délivrer, soit qu'un dieu lui-même prît l'initiative pour faire connaître sa volonté.
On sent qu'une institution pareille, régularisée au fur et à mesure du développement des idées religieuses, dut être une arme puissante dans la main des chefs politiques. Mais le point de vue mythologique, auquel nous devons nous tenir, nous interdit tout développement à ce sujet. Il faut seulement remarquer ici que les oracles sont le pivot sur lequel tournent toutes les conceptions de l'histoire mythique de l'antiquité, la guerre de Troie, les malheurs des Atrides, d'Œdipe, etc.


Les premiers oracles

Les Égyptiens avaient déjà, suivant Hérodote, des oracles organisés hiérarchiquement par la caste sacerdotale. Le plus ancien de tous les oracles des Grecs était celui du Jupiter des Pélasges, établi à Dodone et desservi par la tribu sacerdotale des Selles, dont Homère dépeint les mœurs grossières. On y prédisait l'avenir d'après le bruissement des feuilles des chênes sacrés, d'après le murmure d'une source, et aussi, à ce qu'il paraît, par le moyen de sorts. Amoun, hellénisé par les Grecs, sous le nom de Jupiter Ammon, avait aussi un oracle célèbre dans l'oasis de Syouah, en Libye. Les Athéniens lui envoyaient déjà des théories avant la 91e olympiade. Le dieu faisait connaître sa volonté en imprimant divers mouvements à la barque sacrée que ses prêtres promenaient processionnellement. Le Zéus grec avait encore des oracles, mais moins importants, dans divers autres lieux.


L'oracle de Delphes

Après ces foyers religieux, qui, se rapportant au chef suprême de la théogonie antique, ont dû figurer en première ligne, se présente l'oracle de Delphes, le plus fameux qu'ait eu la Grèce. Apollon lui-même, disait-on, en avait été le fondateur, et y annonçait, au nom de Jupiter son père, les décrets du destin. Les légendes font intervenir les Crétois dans son institution et rapportent que cet oracle avait appartenu d'abord à la Terre, à Thémis, à Phœbé, à Daphné, et à Neptune. Cette antériorité n'est rien moins que certaine. Elle ne paraît pas, du moins, avoir de sens historique.
Le dieu faisait connaître sa volonté à Delphes par l'émanation d'une vapeur prophétique. Diodore dit qu'il y avait sur le Parnasse un trou d'où il sortait une exhalaison qui faisait danser les chèvres, et qui montait à la tête. Un berger, curieux de connaitre la cause d'un effet si extraordinaire, s'en étant approché, se sentit tout d'un coup saisi de mouvements violents, et prononça des mots que sans doute il n'entendait point, qui prédisaient l'avenir. D'autres firent la même épreuve. Le bruit s'en répandit bientôt dans tout le voisinage. On n'approcha plus de ce trou qu'avec respect. On conclut qu'il y avait quelque chose de divin dans cette exhalaison. Une prêtresse fut établie pour en recevoir les effets. On plaça sur le trou un trépied, appelé par les Latins cortina, peut-être à cause de la peau qui le couvrait. C'est là qu'elle rendait ses oracles.
Autour de cet antre se forma insensiblement la ville de Delphes. On y bâtit un temple, qui dans la suite, devint très magnifique. Et la réputation de cet oracle effaça presque ou du moins surpassa de beaucoup celle de tous les autres. On se contenta, dans les commencements, d'une seule pythie. Elle suffisait pour lors à ceux qui venaient consulter l'oracle, et qui n'étaient pas encore en grand nombre. Mais dans la suite, lorsque l'oracle fut tout à fait accrédité, on en élut une seconde pour monter sur le trépied alternativement avec la première, et une troisième pour les remplacer en cas de mort ou de maladie. Il y avait d'autres ministres qui accompagnaient la pythie dans le sanctuaire, dont les plus considérables étaient appelés prophètes. C'étaient eux qui prenaient soin des sacrifices et qui en faisaient l'examen. C'était à eux qu'on adressait ses demandes, soit qu'on les fit de vive voix, soit qu'on les écrivit sur des tablettes. Et c'était d'eux que l'on recevait les réponses comme il sera dit plus bas.
La pythie ne pouvait prophétiser qu'elle n'eût été enivrée par la vapeur qui sortait du sanctuaire d'Apollon. Cette vapeur miraculeuse ne l'enivrait pas en tout temps et en toute occasion. Le dieu n'était pas toujours en humeur de l'inspirer. D'abord il ne le faisait qu'une fois par an. On obtint dans la suite qu'il inspirerait la pythie une fois le mois. Tous les jours n'étaient pas convenables, et il y en avait où il n'était pas permis de consulter. La pythie, avant que de monter sur le trépied, s'y disposait par de longs préparatifs, des sacrifices, des purifications un jeûne de trois jours, et beaucoup d'autres cérémonies. Le dieu annonçait sa venue en secouant lui-même un laurier qui était devant la porte du temple, et en faisant trembler le temple jusqu'aux fondements. Dès que la vapeur divine, comme un feu pénétrant, s'était répandue dans les entrailles de la prêtresse, on voyait ses cheveux se dresser sur sa tête. Son regard était farouche, sa bouche écumait, un tremblement subit et violent s'emparait de tout son corps. Elle ressentait tous les symptômes d'une personne agitée de fureur. Elle proférait par intervalles quelques paroles mal articulées, que les prophètes recueillaient avec soin. Ils les arrangeaient et leur donnaient la liaison et la structure nécessaire. Lorsqu'elle avait été un certain temps sur le trépied, ils la ramenaient dans sa cellule, où elle était ordinairement plusieurs jours à se remettre de ses fatigues. Et souvent, dit Lucain, une mort prompte était le prix ou la peine de son enthousiasme.
Les prophètes avaient sous eux des poètes qui mettaient les oracles en vers. Et ces vers souvent étaient assez mauvais, ce qui donnait lieu de dire, qu'il était étonnant qu'Apollon, qui présidait au chœur des Muses, inspirât si mal sa prêtresse. Plus tard on se contenta de rendre les oracles en prose.
Vers le commencement du VIe siècle avant notre ère, on voit que l'oracle de Delphes était administré par un conseil permanent, composé de membres nommés les princes de Delphes, ainsi que des Amphictyons. L'oracle était dirigé spécialement par cinq prêtres, nommé Hosii (saints), issus de Deucalion. En général, le caractère ordinaire des oracles, comme l'exprime l'épithète de loxias, oblique, donnée à Apollon, était l'ambiguïté. Le dieu ne disait point, ne célait point, mais indiquait.


Les autres oracles grecs

Apollon avait encore des oracles fameux à Claros, à Didyme, à Délos. Le premier était desservi par un prophète choisi dans une famille milésienne. Ceux qui venaient le consulter lui disaient leur nombre et leurs noms. Il se retirait dans une grotte, et, ayant pris de l'eau d'une source sacrée, donnait des réponses en vers.
L'oracle des Branchides, à Didyme, était fort ancien et extrêmement respecté par tous les Ioniens et les Doriens de l'Asie. Xerxès, à son retour de Grèce, fit brûler le temple, après que les prêtres lui en eurent livré les trésors. Ce prince, en récompense, leur accorda un établissement dans le fond de l'Asie, pour les mettre à l'abri de la vengeance des Grecs. Après la fin de la guerre, les Milésiens rétablirent le temple avec une magnificence qui, selon Strabon, surpassait celle de tous les autres temples de la Grèce. Quand Alexandre le Grand eut défait Darius, il détruisit absolument la ville où les prêtres Branchides s'étaient établis, et où leurs descendants demeuraient encore actuellement, punissant dans les enfants la perfidie sacrilège des pères.
Les malades consultaient surtout ceux d'Esculape et d'Amphiaraüs, qui prophétisaient par songes. Il fallait, pour parvenir dans l'antre de Trophonius, un procédé particulier.


L'absence d'oracle chez les Romains

Les Romains n'eurent point, à proprement parler, d'oracles nationaux. Les auspices, les augures, les livres sibyliens leur en tinrent longtemps lieu. Ils envoyaient d'ailleurs, dans certains cas, consulter les oracles grecs, ou s'en remettaient aux décisions de personnages fatidiques, tels qu'Albunée, Carmentes, Égérie, Faune, etc. Ce fut vers le IVe siècle de l'ère vulgaire que les oracles tombèrent dans un complet discrédit.

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