Le mythe de Bardes


Des poètes antiques

On donnait le nom de bardes aux poètes, chez les Galls et les Kimris, dès la plus haute antiquité. Inférieurs aux Ovates, ils composaient le troisième et dernier degrés du sacerdoce druidique en Gaule, et menaient la vie séculière. Leur ministère était tout d'instruction et de plaisir. C'étaient eux qui récitaient dans les assemblées du peuple les traditions nationales, au foyer du chef les traditions de la famille. Ils se donnaient la mission d'exciter les guerriers à combattre, célébraient leur gloire après le succès, et distribuaient à tous le blâme et l'éloge avec la liberté que leur donnait leur caractère inviolable.
« Et vous, dit Lucain, O poètes! qui par vos éloges faites vivre longtemps la mémoire des héros morts au combat, bien des fois, ô bardes, vos chants se sont fait entendre là en toute sécurité. »
Les poèmes des bardes étaient à la fois un chant et un récit, quelque chose d'intermédiaire entre l'ode et l'épopée, inclinant vers l'une ou l'autre, suivant le sujet ou l'inspiration du chantre. Et, en chantant, ils s'accompagnaient de la rotte, qui avait beaucoup de ressemblance avec la lyre grecque.


Un lien étroit avec les druides

Le ministère des bardes était, du reste, étroitement lié à celui des druides. César nous montre ceux-ci passant vingt ans, au fond des bois ou dans quelque caverne, à apprendre les chants poétiques qui contenaient la science du sacerdoce. La poésie inspirée était donc partie essentielle de leurs fonctions, comme la théologie de celles des bardes. Que les poètes fussent d'ailleurs inférieurs aux prêtres chez les populations galliques, malgré l'identité partielle de leur ministère, c'est ce qui résulte du témoignage des anciens, et d'autres preuves aussi formelles.
Dans l'île d'Anglesea, auprès de Liaridan, on voit encore un monument ruiné, ancien palais des archi-druides et connu sous le nom de Trer-Drew (Maison du Druide). Tout proche, de distance en distance, s'élevaient plusieurs habitations, dont les vestiges sont encore reconnaissables, et où vivaient, sous la loi suprême de l'archi-druide, les divers ordres de la hiérarchie. L'une de ces ruines s'appelle encore aujourd'hui Trer-Beird (Maison du Barde).



L'avilissement des bardes

Les diverses révolutions qui bouleversèrent la Gaule et l'île de Bretagne, les invasions arvernes et belges, la conquête romaine, altérèrent peu à peu le caractère primitif des bardes, qui, moins heureux que les druides, n'échappèrent pas à l'avilissement qui pèse sur le vaincu. De poètes inspirés, libres et fiers, ils devinrent de simples domestiques attachés à la cour des grands, des louangeurs officiels du maître qui les employa à chanter ses victoires ou à dénigrer ses ennemis.
Le terme de parasite, qui leur fut appliqué par les étrangers, constata leur flétrissure. On voit Suern, roi des Arvernes, en entretenir plusieurs à gages. L'un d'eux, comblé de bienfaits, remercie le souverain avec une plate adulation, « 0 roi! s'écrie-t-il, l'or germe sous les roues de ton char, et tu fais naître sur ton passage les félicités des mortels. »


Les bardes de l'Armorique

Tous n'étaient pas tombés cependant à ce degré d'avilissement. La poésie primitive se conserva pure du contact romain sur les confins de l'Armorique, et les bardes bretons formèrent, lors de l'établissement du christianisme, une sorte de corporation tenant à la fois à la hiérarchie religieuse et aux chefs de la tribu.
L'émigration de Kimris qui eut lieu au VIe siècle amena aux bardes de l'Armorique un grand nombre de leurs frères fugitifs. Ils popularisèrent sur le continent les traditions bretonnes d'où sortirent, après des transfigurations multiples, les poèmes d'Arthur, de Merlin, et tant d'autres vieux récits qui fournirent de brillantes inspirations aux poètes anglo-normands. Les lais de Marie de France ne sont qu'une refonte des chants de l'Armorique.
Au pays des Galles, la nationalité des Kimris s'était trop fortement trempée pour céder devant la conquête normande, que repoussaient à la fois et la langue et les mœurs. Les bardes y restèrent jusqu'au moyen-âge ce qu'ils furent dans l'origine, poètes, musiciens, généalogistes, historiens. Ils jouissaient d'une considération et d'un respect qui se rattachaient à leur ancienne affinité avec les ministres du culte religieux. Leur simple parole faisait foi dans les transactions de la vie privée. Les lois de Howel-Dha nous ont transmis de curieux détails sur l'organisation du bardisme au Xe siècle, chez les Galls.


Le prix du chant

Dès l'antiquité la plus haute, sous le nom d'Eisteddfods, de grandes assemblées où les bardes se disputaient le prix du chant furent établies, et se perpétuèrent à travers le moyen-âge. L'une se tenait à Caerwys ; une autre à Aberfraw, dans l'île d'Anglesea ; une troisième, à Mathraval. A ces concours étalent seuls admis les plus distingués d'entre les bardes, soit poètes, soit musiciens, qu'on soumettait à des examens préalables. Le prix était une harpe d'argent à neuf cordes. Ces réunions ne perdirent leur caractère officiel qu'au temps d'Elisabeth.


Les différente classes de bardes

L'Irlande, qui jusqu'au XIIe siècle, a ignoré l'usage de la prose, vit, comme on le pense bien, fleurir les bardes, qui recevaient leur éducation poétique et musicale dans des collèges institués à cet effet. Ils se divisaient en trois classes:

  • Les ollamhain redan ou filidhe: c'étaient des poètes théologiques et guerriers. Au jour de bataille, c'étaient les filidhe qui marchaient à la tête de l'armée, la harpe à la main, vêtus de robes blanches, longues et flottantes, et entourés d'orfidigh (ou musiciens).
  • Les breitheamain: ils versifiaient les lois et les promulguaient, assis en plein air sur une éminence.
  • Les seanachaidhe: c'étaient des généalogistes et des chroniqueurs.

Une quatrième classe comprenait tous les bardes inférieurs, qui n'étaient que joueurs d'instruments. Enfin les Highlands de l'Écosse ont eu aussi leurs bardes, qui se prétendaient doués du don de deutéroscopie ou taishataragh. Taishatar était l'épithète du devin-prophète qui possédait ce privilège.

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