Le mythe de Diane


Les confusions autour de la biographie de Diane

Les mythes relatifs à cette divinité ont été singulièrement défigurés par les traditions postérieures à la cosmogonie de la Grèce primordiale, et surtout par les mythographes modernes. Confondue avec la Lune (Séléné), dont elle était absolument distincte dans l'origine, l'Artémis grecque apparaît dans Homère, et dans les tragiques, comme fille de Jupiter et de Latone, et sœur d'Apollon. Le mélange des fables égyptiennes et des traditions locales la fait, à une époque bien moins éloignée, fille de Jupiter et de Proserpine, ou fille d'Upis et de Glaucé, ou encore fille de Cérès. Enfin, elle doit le jour à Bacchus et à Isis dans Hérodote, suivant lequel Latone n'est que la nourrice de la déesse. Cicéron s'est efforcé de concilier ces contradictions, en reconnaissant trois Diane différentes.
Même incertitude sur le lieu de naissance de Diane, qui, suivant les uns, naît à Délos, en même temps qu'Apollon, ou bien à Ortygie, ou encore en Crète. Les Orphiques ajoutent qu'elle vit le jour avant son frère. Quant à la biographie proprement dite de la déesse, elle se compose de fables d'âges trop divers et présente trop de confusion pour que nous puissions les rapporter ici.
Il serait impossible de rendre raison de ces différences ou de les accorder. Ce sont des faces multiples d'une même idée primordiale, localisées dans les mythes des différents peuples. Peut-être encore peut-on voir des analogies établies après coup entre des idées originairement très distinctes. Quoi qu'il en soit, nous allons, sans nous jeter dans le champ des conjectures, présenter avec leur caractère particulier les diverses divinités qui, comprises sous le même nom d'Artémis, ont été grossièrement fondues et identifiées en une seule dans nos mythologies.


La Diane sœur d'Apollon

La Diane sœur d'Apollon est une sorte d'Apollon féminin, représentant, comme femme, la même idée que cette divinité, dont elle partage la puissance et les attributs. Aussi Eustathe la prend-il grossièrement pour l'épouse d'Apollon.
Terrible comme son frère, elle l'assiste dans ses vengeances, frappe d'épidémies cruelles les hommes et les troupeaux, et se plaît surtout à percer les femmes de ses flèches acérées. De là ses noms d'Apollousa (la destructrice), de Iocheaira (qui se plaît auj et de la flèche), de Toxophoros (l'archer), de Chryselakatos (à la flèche d'or).
Sa main n'est cependant pas toujours armée du trait fatal. Parfois elle s'apaise, détourne les calamités qui frappent les hommes, et s'offre à leur adoration comme la divinité qui bénit et guérit les douleurs. Alors on la nomme Artemès ou Artémis (qui sauve): Sotira, Sospita. C'est en cette qualité de déesse favorable qu'elle était, comme Apollon, du parti des Troyens, et qu'elle guérit Énée. L'heureux mortel qu'elle a honoré d'un regard bienveillant voit ses troupeaux prospérer. La concorde règne dans sa maison, et il attend, au sein du bonheur, une vieillesse tranquille. Du reste, si la colère obscurcit quelquefois son front, ce n'est jamais sur le jeune âge qu'elle jette un regard farouche. Elle protège les enfants et aime tout ce qui commence à vivre. De là ses noms de Courotrophos, Philomeirax, Paidotrophos: « c'est Diane, dit Diodore, qui guérit les petits enfants ».
Les jeunes troupeaux et le gibier étaient aussi chers à la sœur d'Apollon. Aussi la regardait-on comme la divinité tutélaire des champs et surtout de la chasse, et la désignait-on par les appellations d'Eurippa, de Ipposoa, d'Elaphebolos, de Celadeinè (qui aime le fracas de la chasse). Comme Apollon, Diane ne se maria jamais. Jamais elle ne fut domptée par l'amour, aien admès. Sa pudeur farouche n'aurait-pu souffrir d'autres prêtresses que de jeunes vierges parfaitement chastes et pures. Les prêtres eux-mêmes devaient être soumis aux lois de la chasteté.
Douée d'une grande beauté et d'une stature majestueuse, Diane donnait une taille élancée aux jeunes filles. Quoiqu'elle ne sût pas toucher la cithare, elle venait chez Apollon à Delphes, et y dirigeait les chœurs des Muses et des Grâces. La tradition ne la met pas au nombre des divinités qui rendaient des oracles. Elle devait cependant à sa parenté le dieu prophétique avec les titres de Divinité protectrice, de Pytho et de Sibylle de Delphes, ceux de Prostatéria et de Propylaia, car, comme l'Apollon Agieus, elle protégeait les villes et les rues ; ceux de Archegètis et d'Hègemoné. Enfin, la consécration du laurier et l'adoration à Délos lui étalent communes avec son frère. C'est dans l'île sainte, où nul bruit profane ne devait se faire entendre, que les jeunes filles hyperboréennes lui apportaient leurs offrandes.


Diane l'Arcadienne ou la déesse des nymphes

Diane l'Arcadienne ou la déesse des nymphes faisait l'objet d'un culte très étendu et tout à fait particulier à l'Arcadie. Cette divinité n'avait aucun rapport avec Apollon et les autres déesses qui portaient le nom d'Artémis. Son symbole était une ourse, et le système d'eaux courantes du pays jouait un grand rôle dans les mythes qui la concernaient. Ainsi les nombreux surnoms sous les quels elle était adorée sont tous dérivés de noms de fleuves ou de montagnes. Les lieux théâtres de son culte se trouvaient au bord des fontaines, des lacs ou des rivières. Enfin, du milieu de ses temples jaillissaient souvent des sources vives, et les poissons lui étaient consacrés.
Divinité chasseresse, elle parcourait les bois et les vallées du Taygète, de l'Érymanthe et du Ménale, perçant les animaux sauvages de flèches qui avaient été forgées par les Cyclopes, et animant à la course ses chiens, présent du dieu Pan. Elle avait habituellement un cortège de vingt nymphes, appelées Amnisiennes, du fleuve Amnisos en Crète, et dirigeait la danse de soixante autres nymphes, toutes-filles de l'Océan.
Elle trouva en Arcadie cinq biches d'une grandeur et d'une beauté remarquables, et en attela quatre à son char. La cinquième, que Junon voulait être l'objet du troisième des travaux d'Hercule, s'échappa. Cette Artémis était surtout révérée à Sicyone, à Epidaure, auprès de Messène, à Limné, à Tégée, à Corinthe, etc. Atalante, amazone arcadienne, allaitée par une ourse, et qui jouit de la faculté de faire jaillir l'eau du rocher, et Callisto, paraissent n'être que deux faces diverses de la Diane d'Arcadie.


L'Artémis taurique, Brauronie, Orthie, Orthosie, Iphigénie, Hécate

On entrevoit, à travers l'obscurité des traditions qui se rapportent à l'Artémis taurique, que son culte se célébrait par des orgies et par des sacrifices humains. Ces cérémonies sanglantes avaient lieu, suivant le dire des Grecs, en Tauride, d'où Oreste et Iphigénie apportèrent la statue d'Artémis à Brauron. Elle fut révérée comme une déesse nationale, dans cette ville, ainsi qu'à Athènes et à Sparte, où Lycurgue substitua aux sacrifices humains l'usage plus doux de la flagellation. Les Lacédémoniens la nommèrent Orthia, appellation dont on n'a pas d'étymologie certaine.
Une autre tradition, rapportée dans Servius, dit qu'Oreste et Iphigénie ayant pris à Aulis la statue de la déesse, l'apportèrent à Aricia, cachée dans un faisceau de sarments. Ce qui valut à Diane le surnom de Fascelis, Phacelitis. Cette Artémis taurique portait aussi le nom d'Iphigénie, sous lequel plusieurs villes la révéraient: « Les Tauriens eux-mêmes, dit Hérodote, affirment que la déesse à laquelle ils sacrifient est la même qu'Iphigénie fille d'Agamemnon. » Celle-ci, destinée d'abord à être sacrifiée, puis sauvée par la déesse, devint sa prêtresse, et reçut le nom d'Hécate avec l'immortalité. Comme Hécate ou déesse-lune, Diane prend divers surnoms: Aithopia, Phosphoros, Dadouchos, Amphipyros, Pyrphoros, Luciferæ. Ces deux dernières épithètes désignaient aussi la déesse de la chasse qui portait des flambeaux.
A l'Artémis taurique correspond enfin, sous divers rapports, l'Artémis tauropolos, déesse des taureaux, ou reine des Tauriens. Son culte était sanglant, et portait le caractère du délire, puisque c'est à cette divinité que le chœur de l'Ajax de Sophocle attribue la fureur qui a saisi le héros.
Il paraît que dans tous ces mythes relatifs à la Diane taurique, ou à Hécate, des traditions grecques qui se rapportaient à d'anciennes divinités de la nature se sont confondues avec les fables et le culte des divinités asiatiques, dont les symboles étaient au ciel la lune, et sur la terre la vache.


La Diane d'Éphèse

La Diane d'Éphèse, qui n'a aucun rapport avec la Diane des Hellènes, paraît avoir été la personnification de la puissance toute fertilisante et toute nourrissante de la nature, à laquelle les Grecs donnaient, par on ne sait quelle analogie, le nom de Diane (Artémis). Elle était la fille de Latone. Sa nourrice s'appelait Ammas. Son symbole était l'abeille, et son pontife portait le nom de roi des abeilles. Dans son temple magnifique à Éphèse, où les Amazones, dit-on, établirent son culte, se trouvait son image, sous la forme d'une momie, la tête chargée d'une couronne, et le sein fourmillant de mamelles. Son sanctuaire n'était accessible qu'aux jeunes filles vierges. Ses prêtres étaient des eunuques.
Chez les Romains, Diane était adorée comme déesse de la chasse, comme divinité qui assiste à la naissance (de là les noms de Genitalis, Lucina), comme déesse de la lune (Hecaté, Luna, Noctiluca), qui dans la nuit sombre et silencieuse préside aux pratiques mystérieuses et magiques, et qui est invoquée par les amants. Enfin, on la nomme siderum regina bicornis, trivia, triformis, triplex.


Les traits généraux du culte de Diane

Diane était adorée dans toute la Grèce, surtout en Arcadie et dans le Péloponnèse, à Délos, en Crète, en Sicile, en Italie. On lui sacrifiait des hommes, des biches, des chèvres, et en Thrace des chiens. Le cerf, le sanglier, le chien, le rouget, le homard, l'armoise, le sapin lui étaient consacrés.
L'idéal de cette déesse a été créé par Praxitèle. Comme sœur d'Apollon, elle était douée de beauté, de force et de jeunesse. Comme chasseresse, on la représentait la taille svelte et souple, les hanches étroites, la figure régulièrement ovale, le front large, les yeux grands, les cheveux relevés par derrière et formant un nœud au-dessus de la tête, de sorte que quelques boucles retombaient sur les épaules, la poitrine voûtée mais couverte. La tunique était retroussée au-dessus des genoux, et ses pieds chaussés du cothurne. Ses attributs étaient l'arc, le carquois, la lance, le cerf, le chien. Comme déesse de la lune, elle avait la tête voilée, portait des torches, le croissant au-dessus du front, et une longue tunique descendant jusqu'aux pieds.

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