Le mythe de Oreste (ou Orestès)


Le mythe d'Oreste en trois temps

La fable d'Oreste, l'une des plus importantes et des plus complexes de la mythologie antique, peut être divisée, en subordonnant l'ordre chronologique des faits, peu important au fond, au développement successif de l'idée morale, en trois périodes, dont la dernière ne se rattache qu'incidemment au sujet principal.
A chacune de ces périodes, gouvernées, pour ainsi dire, par des idées différentes, exprimant le degré de moralité et de civilisation de l'âge auquel elles appartiennent, se rattachent des séries de variantes, dues, soit au caprice des poètes dont l'imagination se plaît à broder les parties accessoires des mythes primordiaux, soit à la diversité des traditions qui, localisées dans diverses contrées de la Grèce, s'altéraient de diverses manières par le fait même de leur localisation, sans que plus tard on pût reconnaître la version primitive. Chemin faisant, nous noterons avec soin ces variantes, qui ne sont pas sans avoir leur importance, puisqu'elles servent à caractériser le génie propre des divers peuples de l'Hellade, et nous aurons soin d'en mentionner l'origine.


Une première version de la fable d'Oreste

Suivant Homère, Oreste était le fils d'Agamemnon et de Clytemnestre. Il était également le frère de Chrysothémis, de Laodicé et d'Iphianasse. Huit ans après l'assassinat de son père, qui tomba sous les coups d'Egisthe, auquel les dieux enjoignirent en vain de s'abstenir de ce crime, il se rendit de Mégare à Athènes, vengea la mort d'Agamemnon par celle de son meurtrier, et « célébra, dit le poète, les funérailles de sa terrible mère en même temps que celles du lâche Egisthe. » Cette action courageuse le couvrit de gloire, et lui mérita les éloges de la postérité.
Tel est le récit d'Homère, qui ne représente nulle part Oreste comme poursuivi par les terribles Furies ou les chiens de la mère, ce qu'il n'eût pas manqué de faire, si le meurtre de Clytemnestre eût soulevé dans les premiers siècles la réprobation morale que manifestent les âges postérieurs. Il est donc évident que primitivement, le matricide d'Oreste était regardé comme la juste rémunération d'un affreux forfait. Sang pour sang, telle est l'idée qu'exprime le mythe d'Oreste à l'époque homérique, et le fils qui venge son père n'a pas à redouter les dieux.
Sophocle, quoique bien postérieur à Homère, rompt l'échelle morale qui s'étend du père de la poésie épique jusqu'aux auteurs modernes. Dans son Électre, il se conforme à la conception antique: Oreste, auquel un oracle d'Apollon a enjoint de venger son père, exécute sans hésitation un parricide commandé par les dieux. Il égorge sa mère avec une froide impassibilité, et prend ensuite un ton ironique avec Égisthe. Le chœur, témoin du meurtre, ne voit dans cette action qu'un « coup hardi qui rend enfin la liberté à la race d'Atrée ». On voit donc que le mythe d'Oreste n'exprimait autre chose, dans l'origine, que la sanctification de la loi du talion, loi terrible, puisque le fils pouvait être choisi par les dieux comme exécuteur de la vengeance céleste et sans être passible d'un châtiment.


Une deuxième de version du mythe

Plus tard, lorsque la civilisation toujours croissante eut adouci les mœurs et les lois, on ne put voir sans horreur un fils souillé du sang de sa mère. La justice apparente de l'action d'Oreste révolta les esprits, et les poètes laissèrent apparaître à la fois dans leurs compositions et le progrès de l'idée morale et le déclin de la religion régnante. Il fallut punir Oreste, qui, déjà dans Eschyle, n'égorge sa mère qu'en frémissant et lorsque Pylade lui a rappelé l'ordre d'Apollon. Dans Euripide, il va plus loin, il accuse la divinité de démence, il soupçonne qu'un démon trompeur pourrait bien avoir emprunté la voix d'Apollon. Les Dioscures eux-mêmes, dont l'intervention semble étrange quoiqu'elle soit nécessitée, qualifient d'insensé l'oracle du fils de Latone.
Ces préliminaires n'empêchent cependant pas l'accomplissement du crime. Mais la morale publique se satisfait en imposant à Oreste une punition terrible: « si le châtiment de Clymnestre est juste, lui disent les Dioscures, ton action ne l'est pas ». Et ici commence le rôle des Furies. Puis, après de longs tourments, Oreste est, ainsi qu'Œdipe, délivré du poids de son crime involontaire. La loi divine est satisfaite, comme la justice humaine, et l'homme n'a nullement lieu d'accuser le destin.
Mais en voulant détailler les nuances progressives de l'idée qui domine cette seconde période du mythe d'Oreste, nous avons anticipé sur le récit des faits tels que nous les ont transmis les poètes et les mythologues. Il est temps de les raconter en les reprenant ab ovo. Oreste, frère d'Électre et d'Iphigénie (Sophocle ajoute Iphianasse), était encore enfant lorsque Agamemnon périt, égorgé par Égisthe. Il fut sauvé de la mort par Electre, ou par sa nourrice Geilissa, ou par Arsinoé, ou par Laodamie, et envoyé chez Strophius. C'est à l'instant de son retour que commence la deuxième partie de la magnifique trilogie d'Eschyle. Nous ne pouvons mieux faire que d'en donner ici l'argument. « Poussé par un oracle qui lui a commandé de punir les meurtriers de son père, Oreste arrive, avec l'inséparable Pylade, auprès du tombeau d'Agamemnon. Il invoque les mânes paternels, et annonce les projets de vengeance qui le ramènent d'un lointain exil. Il dépose pour offrande une boucle de ses cheveux. Conduites par Électre, sa sœur, des captives troyennes viennent faire des libations sur la tombe du roi. C'est Clytemnestre qui les envoie, dans l'espoir de détourner les présages terribles d'un songe qu'elle vient d'avoir. Après une reconnaissance que le poète a plus ou moins habilement ménagée, le frère et la sœur conviennent qu'Oreste se donnera pour un étranger, un homme du pays où avait été élevé le fils d'Agamemnon. Lui-même, il apportera la nouvelle de sa propre mort. On le recevra dans le palais, et les assassins périront à leur tour. Tout s'exécute en effet comme il l'avait prévu. A l'instant de frapper sa mère, il sent son cœur défaillir. Mais la voix sévère de Pylade lui rappelle l'ordre et les menaces d'Apollon. Tout ce qui restait de sentiment filial a disparu, il n'y a plus qu'une femme coupable et son juge, et bientôt tout est consommé. Alors, comme à la fin de l'Agamemnon, les cadavres des morts sont offerts aux regards des spectateurs. Oreste fait déployer devant le peuple d'Argos le voile où les assassins avaient enveloppé son père, pour l'égorger sans qu'il pût se défendre. Mais tout à coup, il sent que sa raison s'égare. Il annonce qu'il va se réfugier dans le temple de Delphes, auprès du dieu qui avait ordonné le crime. En effet, au début des Euménides, nous sommes transportés devant le temple de Delphes. La Pythie paraît, vêtue de ses habits sacerdotaux. Elle adresse ses prières aux dieux. Elle entre dans le temple pour se placer sur le trépied prophétique. Elle en sort aussitôt, saisie d'une horreur profonde. Elle a vu un homme dans la posture et l'habit des suppliants. Ses mains dégouttaient de sang. Autour de lui dormaient des êtres affreux, les Furies. Oreste sort du temple, conduit par Apollon. Le dieu lui promet son aide, et lui commande de courir vers Athènes. Il obéit, il part. L'œil du spectateur pénètre dans le temple. On aperçoit l'ombre de Clytemnestre, pâle, portant encore les traces des blessures qu'elle avait reçues de son fils. Elle adresse des reproches aux Furies, qui ont laissé échapper le coupable, et disparaît. Les Furies se réveillent, cherchent leur victime, poussent des cris sauvages, courent en désordre au travers de la scène. Ce sont les premiers chants de ce chœur terrible et ses premières danses. Apollon chasse loin de son temple les êtres odieux dont la présence souillait le sanctuaire. A ce moment la scène change. Nous voyons le temple de Minerve et la colline de l'aréopage. Nous sommes à Athènes. Oreste tient embrassée la statue de la déesse, qui était placée devant le temple. Le chœur arrive sur ses traces. Les Furies chantent, calmes cette fois, mais plus terribles encore qu'à Delphes, leurs redoutables fonctions parmi les mortels et les dieux. Elles réclament la tête d'Oreste, elles dévouent leur victime à des tourments sans fin. Pallas arrive, à la prière du suppliant. Elle écoute les plaintes des Furies, les réclamations d'Oreste. Elle se charge du rôle d'arbitre entre les deux parties, elle s'entoure de juges équitables. La cause est débattue, le nombre des suffrages est égal de part et d'autre, Pallas seule n'a pas encore donné le sien. C'est elle qui va décider souverainement cette grande question. Oreste l'emporte. Sa reconnaissance pour Pallas s'exprime avec une vive ardeur, tandis que les Furies éclatent en reproches contre la licence de ces dieux nouveaux, qui prennent à tâche d'humilier les vieilles divinités titaniques. Mais elles s'apaisent à la fin, aux doux accents de l'éloquence persuasive de Pallas. Elles promettent de bénir ce sol de l'Attique où Pallas leur promet un sanctuaire. Elles se montrent dignes du nom qu'on doit leur donner un jour, les Euménides, c'est-à-dire, les bienveillantes. Elles se retirent dans la demeure qui leur est destinée. Une troupe de vieillards, de femmes et d'enfants, vêtus d'habits de fête, les accompagnent en chantant des hymnes religieux. »
Les variantes de ce récit sont peu importantes. Suivant Euripide, Electre, maltraitée par Egisthe, s'est vue forcée d'unir son sort à celui d'un paysan argien, qui vit avec elle comme avec une sœur. Oreste la rencontre devant l'humble chaumière qu'elle habite, la reconnaît aux discours qui lui échappent, et est lui-même reconnu par un vieux gouverneur, à une cicatrice que lui avait laissée une chute faite dans son enfance. Pour amener Clytemnestre et la faire tomber dans le piège préparé par son fils, on lui annonce qu'Électre est récemment accouchée, et qu'elle a besoin de ses secours. Le meurtre d'Égisthe s'accomplit hors de la ville, pendant que ce prince offre un sacrifice aux nymphes, et Clytemnestre périt dans la maison d'Electre, qui enhardit son frère terrifié. Ensuite les Dioscures apparaissent et prédisent à Oreste sa folie et sa purification.
On reconnaît à ces inventions l'imagination romanesque d'Euripide, qui se livre, durant le cours de la pièce, à une critique, très peu dramatique, des moyens employés par Eschyle pour amener la reconnaissance du frère et de la sœur. Mais si l'Electre satisfait peu le lecteur, comparée à la grande composition du poète d'Eleusis, on y remarque avec intérêt le progrès des idées morales. Oreste n'est plus seulement, comme dans Eschyle, un fils qui recule devant sa mère, au moment de l'égorger, c'est un païen à demi sceptique, qui traite nettement Apollon d'insensé.
Dans l'Oreste, Euripide représente ce héros en proie aux Furies vengeresses. Electre veille sur lui. Les citoyens d'Argos s'assemblent pour les juger tous deux. Ménélas, trahissant leurs intérêts, les laisse condamner à mort. Pylade n'abandonne point son ami. Il s'unit à Électre pour tirer vengeance de Ménélas en faisant périr Hélène, qui disparaît aux cieux. Hermione reste en otage dans les mains d'Oreste. Au moment où celui-ci menace de l'immoler, Apollon intervient, promet la vie à Oreste, lui prédit sa folie, son exil en Arcadie, déjà mentionné dans l'Electre, ainsi que son acquittement à Athènes, et engage Ménélas à lui accorder sa fille en mariage. Pylade épouse Electre. C'est encore là de la tragédie bourgeoise. Mais, outre les beautés dramatiques, elle présente un intérêt puissant, en nous offrant, ainsi que les Euménides, le reflet des hautes prétentions des Athéniens à la science du droit, à la sagesse, aux procédures spéciales sur le meurtre.
Ici se termine à proprement parler la seconde période du mythe d'Oreste, dont le sens est: nécessité et possibilité de l'expiation sans aucune prédestination fatale. L'Attique, l'Argolide, l'Arcadie, la Laconie se disputaient l'honneur d'avoir lavé Oreste de son crime. Ainsi l'on montrait à Trézène, devant le temple de Diane Lycie, une pierre sacrée où neuf Trézéniens avaient purifié Oreste. Devant le temple d'Apollon Théorius se trouvait la hutte où le malheureux Atride s'était retiré, personne ne voulant le recevoir avant sa purification. Un laurier qui avait poussé auprès indiquait le lieu où l'on avait enseveli les objets qui avaient servi à la cérémonie. A trois stades de Gythium en Laconie était une pierre connue sous le nom de Zeus Cappotas ou Cappautas (Jupiter qui fait cesser). Là, disait-on, le maître des dieux avait guéri Oreste de sa folie. Enfin, à Mégalopolis, en Arcadie, on voyait un temple où Oreste avait été saisi par le délire, et une colline où les Furies s'étaient montrées à lui. Le malheureux s'étant dévoré un doigt, les Érinnyes prirent des formes moins effrayantes, et aussitôt il fut guéri. La colline garda le nom d'Acé (guérison), en mémoire de cet événement. Non loin de là était le sanctuaire d'Acésis, où Oreste consacra sa chevelure.
Les auteurs syncrétistes ont souvent essayé d'arranger ces diverses traditions dans un ordre chronologique, mais il est évident qu'elles n'ont aucune liaison de succession et qu'elles ne sont que les faces multiples d'une même idée. Divers lieux de la Grèce gardèrent longtemps le souvenir des migrations d'Oreste. Ainsi il y avait une ville d'Orestie, en Arcadie, et les Orestes, peuples de l'Épire, s'attribuaient la même origine. La fête des coupes, célébrée à Athènes, dans le mois d'Anthestérion, rappelait aussi les malheurs d'Oreste. Suivant une tradition populaire, dans laquelle on remarque un grossier anachronisme, le fils du parricide, se rendant chez Pandion, le trouva présidant à un banquet public. Pandion n'osant pas renvoyer son hôte, ni le faire boire à la même coupe que ses convives, en fit servir une à chacun des invités.


La troisième partie de la fable

La troisième partie du mythe d'Oreste, qui n'est, au point de vue moral, qu'une flexion de l'idée qui préside à la seconde, est remarquable en ce qu'elle relie à l'histoire nationale le culte d'une divinité primitivement étrangère à la Grèce.
Suivant Euripide, après l'acquittement du meurtrier par l'aréopage, quelques-unes des Furies, mécontentes de ce jugement, continuèrent de poursuivre Oreste, qui vint de nouveau se réfugier à Delphes. Il allait se donner la mort sur le seuil du temple, lorsque la voix d'Apollon vint lui rendre l'espoir et lui ordonner d'apporter à Athènes la statue de la Diane Taurique. Après cela, il devait être enfin délivré des terribles divinités. Oreste se rendit donc en Tauride avec Pylade. Surpris par les habitants peu après leur arrivée, ils furent conduits au temple, et l'un des deux allait périr, lorsqu'Oreste, se faisant reconnaître d'Iphigénie, sa sœur, échappa à la mort. Iphigénie fit alors suspendre adroitement le sacrifice, en persuadant au roi que ces étrangers, coupables d'un meurtre, ne pouvaient être immolés qu'après des purifications préliminaires. Elle se donna ainsi du temps, et s'enfuit avec Oreste et Pylade, emportant la statue de Diane, qui fut déposée par elle à Rramon, suivant la tradition attique. Les Lacédémoniens, de leur côté, prétendaient posséder ce palladium à Sparte.
Comme on le distingue facilement, le sens de ces légendes, intercalées après coup à l'histoire mythologique primitive, est toujours la nécessité de l'expiation Seulement ce thème est brodé d'une manière différente. Les Grecs, fiers de rattacher leurs institutions religieuses, indigènes ou étrangères, a leur histoire mythique, attribuèrent naturellement à Oreste en sa triple qualité d'agent d'Apollon, de frère d'Iphigénie, et de grand voyageur, l'introduction du culte de la Diane Taurique, divinité nationale des Taures, identifiée, on ne sait trop pour quelle cause, avec l'Artémis grecque.
De retour à Mycènes, Oreste recouvra son royaume, que Ménélas ou Alétès avaient usurpé. Il tua, dit-on, ce dernier, et, Cylarabès étant mort sans enfants, se trouva maître d'Argos. Les Lacédémoniens eux-mêmes, préférant un petit-fils de Tyndare aux enfants nés de Ménélas et d'une esclave, le choisirent pour roi. Oreste fit ensuite alliance avec les Arcadiens et avec les Phocéens, et conduisit une colonie de Sparte en Éolie, selon Pindare. Époux d'Hermione, qu'il avait longtemps aimée et dont il obtint la main en se défaisant de Pyrrhus, il mourut en Arcadie, à l'âge de 90 ans, des suites de la piqûre d'un serpent. Sparte montrait ses os, d'une dimension énorme, qui avaient été trouvés à Tégée par un certain Lichas et apportés dans la Laconie, dont ils étaient le palladium. Suivant Servius, Oreste avait été enseveli à Aricie, et ses os furent plus tard envoyés à Rome.
On a plusieurs suites de bas-reliefs, de pierres gravées, et de peintures relatives à l'histoire d'Oreste.


Le fils d'Achéloüs

Oreste est le fils d'Achéloüs et de Périmède.


Un chef grec

Oreste est un chef grec, tué par Hector.


Un chef troyen

Oreste est un chef troyen, tué par Léontée.

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